4 nov. 2011

Chronique d'une folle journée

Voilà, c’est fini : la fête commémorant le Centenaire de  nos trois rues est loin derrière nous ! Cette journée du mardi 27 septembre aurait pu être folle et stressante, mais - chance !- tout s’est passé au mieux, pour ne pas dire super-bien, et la fête fut enchanteresse.
« Mais comment avez-vous fait pour que les rues soient ainsi dégagées de toute automobile, nous a-t-on souvent demandé  durant la soirée ? On dirait qu’il y a eu un coup de baguette magique ! »
Voici la chronique de cette folle journée. Elle est très détaillée, trop détaillée, mais cette longueur est proportionnelle à la joie ressentie par l'organisateur de la fête.

Ca et là dans la chronique sont insérés les liens vous permettant d’accéder à la galerie des photos recueillies auprès de certains participants au Centenaire. Cliquez une fois sur le lien, puis sur le menu qui apparaît, cliquez sur ''atteindre''.
- Si vous souhaitez communiquer ou partager vos propres photos, adressez les ou adressez le lien qui y conduit à : centenairelvh@gmail.com.
- Si vous souhaitez que soit retirée de la galerie telle ou telle photo, faites en la demande à la même adresse en indiquant le rang de la photo dans la galerie et un détail caractéristique de celle-ci afin d’éviter toute erreur.
- Si vous-même désirez publier sur le blog un souvenir de la soirée, utilisez la rubrique ‘’Publier un commentaire’’. Si le processus vous en semble compliqué, envoyez le à centenairelvh@gmail.com.



Comme mise en bouche avant de lire le récit de la journée, visionnez le petit film-souvenir du Centenaire en cliquant sur son lien :
http://www.dailymotion.com/video/xlvm49_centenairelvh_people

7 h 45

Sonnerie de l’interphone. C’est Jean-François avec qui je dois sortir dans la rue les trois tables que nous avons stockées dans le hall d’entrée de l’immeuble la veille au soir. Je le rejoins au rez-de-chaussée en descendant mes cinq tabourets de cuisines. Tables et chaises sont destinées à prendre la place des voitures qui commencent à s’en aller, afin d’éviter qu’elles soient remplacées par d’autres véhicules. Le transport des tables nous prend trois minutes, et JF s’en va travailler.
Petit coup d’œil au ciel, il est bleu. La radio du matin nous a promis du beau temps toute la journée. Chouette ! La rue de Lapparent, orientée est-ouest, commence à prendre des couleurs sous la lumière du soleil. J’espère que volontaires et fonctionnaires seront bien tous au rendez-vous.
J’attends devant ma porte d’immeuble que me rejoignent  à 8 h Alain et Thierry pour la récupération des places de stationnement vides. Je suis responsable de l’opération pour la rue Lapparent. Deux autres équipes sont en charge des rues Heredia et Vaudoyer.
Deux employés de la voirie parisienne sont déjà en train de nettoyer les trottoirs à l’eau sous pression. Heureuse coïncidence avec le planning,  je le sais par le responsable propreté à la Voirie pour le 7e, à qui j’avais téléphoné la semaine précédente pour solliciter un  nettoyage particulier des rues le 27 septembre, et qui m’avait répondu que cette tâche était justement au planning, le matin. Je lui avais suggéré qu’il reporte l’opération en début d’après-midi après que toutes les voiture ont été enlevées : les chaussées seraient plus accessibles, débarrassées de toute voiture, et le travail facilité d’autant. Mais non, le responsable en a décidé autrement : pour assurer une propreté parfaite, une autre équipe refera le même travail en début d’après-midi ! Pour lui, c’est plus simple !

J’ai mis un gilet de sécurité jaune, comme l’un d’entre nous l’avait suggéré : « Ca fait sérieux et officiel pour parler aux conducteurs ». Cela me permet aussi de repérer de loin les autres responsables, déjà à l’action, que je vais saluer : Lise-Marie, Annie et son mari, Marie-Pierre s’agitent déjà au bout de la rue de Heredia, et Ghislaine - toute seule, mais avec le moral- dans la rue Vaudoyer. Cà et là, des places sont vides.
A l'exception de Françoise, mon épouse, Mes coéquipiers, eux, ne sont pas là . Et deux places de stationnement sont déjà vacantes rue Lapparent. Vite, afin d’éviter qu’une voiture ne s’y gare, je place sur chacune un des tabourets de cuisine que j’ai descendus. Une Citroën C3 grise s’en va, je place un 3ème tabouret  et je sors, comme convenu, deux poubelles de mon immeuble destinées elles aussi à occuper les prochains emplacements qui se libèreront.
Déjà une fourgonnette s’arrête à ma hauteur, son conducteur m’indique qu’il souhaite garer sa voiture, m’interroge sur la présence du tabouret. J’explique que le stationnement sera interdit à partir de midi et que les voitures encore présentes seront alors déplacées par la fourrière en raison de la fête qui a lieu le soir. « - Midi ? Je viens vérifier le chauffage au 8 avant sa mise en route, je serai reparti dans une heure et demie  -  Vraiment ? Pas de problème, je vous libère la place. »  Je retire mon tabouret, prends le temps de lui expliquer : « Je mets du ruban de chantier rouge/blanc à votre poignée de voiture pour signifier que vous avez été tenu au courant de la consigne, et que la place sera libérée avant midi. »  Voiture garée, le conducteur s’engouffre dans l’immeuble. A  dix mètres de là, deux autres places se libèrent de part et d’autre d’une autre déjà vide. Deux tabourets ne suffisent pas pour interdire une telle longueur, alors je tends entre eux du ruban plastique rayé rouge/blanc.

9 heures

Petit aller-retour vers les deux autres rues pour voir comment les choses se passent : des vides entre voitures ont été neutralisés, mais il reste encore près de 80 % des automobiles. Ghislaine est maintenant secondée d’Elisabeth. Mes équipiers arrivent tranquillement vers 9 h 30, les vaches !
J’apporte à chacune des équipes quatre mâts autoporteurs d’1 m 80 de hauteur prêtés par l’Asiem. En les reliant, on peut ainsi tendre du ruban rouge/blanc sur une quinzaine de mètres le long des voitures garées le long des trottoirs…  En fait, les mâts sont trop peu nombreux, alors nous tendons du ruban  entre nos grosses poubelles vertes d’immeubles, c’est moins beau, mais aussi efficace. Plus simple encore : attacher le ruban à une poignée de voiture et dérouler le rouleau jusqu’à six/sept voitures plus loin et l’attacher à une autre poignée de voiture !
Les rubans se remarquent : il se passe quelque chose d’inhabituel dans la rue. On sent que les voitures sont menacées… Les passants posent des questions. Ceux qui habitent là réalisent que c’est aujourd’hui qu’a lieu le Centenaire. Les écoliers partent à l’école tout émoustillés à l’idée de pouvoir jouer le soir dans leur rue vide de toute voiture. Ils vont pouvoir d’autant mieux y penser à l’école que nombre de professeurs, en ce mardi 27 septembre, font grève !
Les places se libèrent peu à peu, mais il reste encore beaucoup de véhicules. Dont quelques gros utilitaires, à priori de location, qui devraient donc s’éloigner dans la matinée. Nous sommes d’ailleurs convenus avec la société Sixt - tenue au courant quinze jours plus tôt de notre fête et de ses conséquences en matière de stationnement- que sur simple demande ma part, elle déplacera en fin de matinée tout véhicule lui appartenant. Nous inquiètent surtout les automobiles qui présentent sur leur tableau de bord un ticket de stationnement résidentiel valable jusqu’au 30 septembre. Rationnellement, leurs propriétaires auraient dû - s’ils ont eu l’information-  aller se garer ailleurs dès la veille. Peut-on espérer qu’ils s’en iront quand même plus tardivement ? [Ce sera le cas pour la plupart, mais d’autres n’accourront déplacer leur véhicule que vers 13 h quand les camions du service d’enlèvement commenceront leur travail ! Ah, les vicieux !]

10 heures

Une voiture de police apparaît à l'angle rue de Lapparent/avenue de Saxe. Un policier, brun, costaud, voix décidée, affable, se présente. Il est du commissariat du 7e. C’est lui qui supervise l’opération d’interdiction de stationnement. Il apprécie notre organisation, nos gilets de sécurité qui nous identifient facilement.
Je lui fais part de mon appréhension : encore bien trop de véhicules ! A peine 30 % de places libérées. Nous convenons que si le nombre de voitures-ventouses à 13 heures dépassait les capacités d’enlèvement, on donnera la priorité au dégagement de la rue de Lapparent où il est programmé d’installer les tables pour le buffet du soir. Les rues Heredia et Vaudoyer, prévues pour faire des surfaces de dégagement, de promenade, et d’aires de jeux pour les enfants pourront tolérer la présence de quelques véhicules. Encore que ce serait trop dommage qu’il en subsiste, puisque l’idée est que chaque habitant puisse photographier son immeuble, sans voiture au pied de celui-ci. Le policier confirme qu’il revient à 11 h 30 et que c’est lui-même qui appellera le service de la fourrière.
Un conducteur qui s’en va (chic !) s’étonne de tout ce micmac. Que se passe-t-il ? Non, il n’était pas au courant. Non, il n’a jamais eu de papillon d’information sur son pare-brise informant que le stationnement serait interdit le mardi 27 septembre sur les trois rues Lapparent-Vaudoyer-Heredia. Pourtant  nous en avons posé plus de deux mille depuis le jeudi précédent, tous les deux soirs, dans les trois rues et sur tout le périmètre Suffren-Saxe-Ségur-Pérignon, avec des incursions au-delà : rues Bouchut, Bellart, César Franck. Je lui précise qu’il ne pourra pas se garer ce soir dans cette rue qui sera, en plus, interdite à la  circulation à partir de 13 heures. « C’est pour un film ? Encore, ça commence à bien faire ! Y nous emmerdent ! » J’explique que non, pas de film, mais un Centenaire, celui des trois rues. Ah oui, mon interlocuteur se rappelle avoir vu l’affichette dans son immeuble et n’a pas réalisé que l’évènement avait lieu ce soir. « - Vous viendrez ? – Peut-être, ça dépend de ma femme, en tout cas on passera voir – Faites-vous au bouchon une moustache 1900,  la soirée se veut Belle époque ! – On verra, on verra.  – A ce soir ! »



A l’angle Heredia/Lapparent, Françoise a installé de quoi prendre un café, Marie-Pierre de quoi boire un coup de rouge. Les deux sont bienvenus. La dizaine de volontaires organisateurs vient y faire la pause. C’est aussi l’occasion de faire le point, échanger des anecdotes vécues ou des trucs pratiques, rappeler les consignes, convenir des opérations suivantes. Et ça fait du bien de se conforter !








Sur l’autre angle de la rue, là où se trouvait la boulangerie qui a fermé vers 1999, juché sur un escabeau, José s’emploie avec un ami à poser au dessus de l’ancienne vitrine des lettres en papier doré pour rappeler l’existence de ce commerce installé ici dès la création de la rue, et qu’il a transformé en appartement. [Une enseigne éphémère que le vent et la pluie emporteront.]







J’aperçois Julie, la ‘’camerawoman’ qui a décidé de faire un documentaire sur le centenaire. Notre démarche l’intéresse. C’est une habitante de la rue Heredia qui lui en a donné l’idée. Elle veut filmer les préparatifs, recueillir  des opinions, et ce soir filmer les gens accessoirisés Belle Epoque. Un camarade avec une seconde caméra doit la rejoindre en fin d’après-midi. En principe, elle extraira du documentaire une version courte comme souvenir pour nous, accessible depuis  le blog. Quand ? That is the question !






C’est étonnant le nombre d’artisans en camionnette qui arrivent et insistent pour pouvoir se garer parce qu’ils travaillent à la réfection d’un appartement ou effectuent un dépannage domestique. Ils utilisent le fameux : «  Mooâ, je travaille, monsieur ! ». Ceux qui viennent pour deux ou trois heures sont – bien sûr – invités à se garer au plus près de leur immeuble. «  - Mais attention à bien vous en aller avant midi et demi, faute de quoi vous pourriez ne pas retrouver votre véhicule ! ». Ceux qui doivent passer la journée ici sont invités à aller se garer dans un une rue non interdite. La plupart prennent la chose de bon cœur dès lors qu’ils apprennent que le quartier va fêter ses cent ans !
D’autres personnes insistent pour pouvoir se garer brièvement : les clients des médecins, des dentistes, des kinés. Bien sûr, nous leur disons oui, et chaque fois - sauf omission - nous attachons à la poignée du conducteur un bout de ruban plastique hachuré rouge/blanc pour savoir qu’il a été dûment averti.
Mauvaise surprise : j’aperçois au delà du périmètre interdit, dans l’axe visuel de la rue Heredia, garées avenue de Ségur du côté Unesco, de grosses camionnettes Sixt au logo bien agressif rendant impossible toute prise de vue agréable de la rue en perspective. Idem pour la rue Lapparent polluée par des camions Sixt garés dans l’axe sur l’avenue de Saxe, affreusement visibles de l’autre bout de la rue. Je me rends à l’agence où je vais expliquer le problème. Très obligeamment, le personnel s’engage à déplacer les engins au plus tôt. Et le fait dans la demi-heure.
Rendant compte de mon initiative à mes équipiers, ils m’exhibent des papillons posés sur les voitures indiquant que l’agence Sixt invite les habitants du quartier à venir « boire à 19 h 30 une coupe de champagne  afin de vous dédommager de la gêne que peut poser la présence de nos véhicules dans vos rues  ». Je m’interroge sur cette initiative qui invite les habitants à quitter la rue au moment précis où nous-mêmes les invitons à s’y établir. Mais bon, si ce geste peut augurer une initiative future plus ambitieuse et plus concrète résolvant réellement le problème de captation sauvage de la voie publique pour un usage professionnel, pourquoi pas ?
Un quart d’heure plus tard, je retourne chez Sixt pour demander le déménagement d’un véhicule placé avenue de Saxe, de l’autre côté du terre-plein, mais quand même très visible. Je patiente car un monsieur élégant au costume impeccable demande à voir la responsable de l’agence, laquelle tarde à venir. Excédé de l’attente, l’homme explique alors qu’il est président du conseil syndical d’un immeuble voisin, et qu’il tient à rencontrer la responsable pour lui expliquer qu’il considère comme une véritable provocation de la part de la société Sixt de proposer un verre « pour dédommager » les habitants du quartier, etc. L’homme repart sans avoir rencontré la responsable. Sans moufter, j’en fais autant après avoir déposé ma nouvelle demande de déplacement de véhicule [J’ignore tout à fait combien de personnes sont allées chez Sixt boire ‘’le verre de l’amitié’’. Peu j’imagine, car il est difficile d’être au four et au moulin. Puisse cette initiative ratée faire prendre conscience à l’entreprise du ressentiment du quartier à son égard !]

11 heures

La situation a bien évolué. De longs rubans hachurés rouge/blanc filent le long de la chaussée sur les deux côtés : au moins 70 % des places sont libérées. Ouf ! Et certaines de celles occupées le sont par des voitures dont la poignée de porte conducteur porte un bout de ruban rouge/blanc signifiant qu’elles devraient ne plus être là dans une heure et demie. Soulagement...

La voiture de police réapparait. Nouveau tête à tête avec le  responsable. Nous évoquons le sort des scooters, motos et bicyclettes. Les motos garées sur le trottoir auront une contravention et seront mises en fourrière  (je suis un peu gêné, mais bon, c’est vrai qu’il est interdit de se garer sur le trottoir, je râle souvent à ce sujet), celles stationnées aux emplacements prévus à cet effet – donc en stationnement légal- seront seulement déplacées. Et les vélos, reliés par un cadenas à un point fixe ? Une bonne vingtaine sont enchainés devant le Bon Conseil. « On a le matériel pour les faire sauter, mieux vaudrait toutefois pour eux qu’ils aient décampé. – Cela devrait être le cas, beaucoup semblent s’être garés ce matin même, il s’agit sans doute des étudiants suivant des cours ». Avant de repartir, la police nous dépose une dizaine de cônes rayés orange-blanc destinés à interdire l’entrée des trois rues à partir de midi et demi, ce qui facilitera la manœuvre des véhicules de la société  d’enlèvement (car l’activité est privatisée, apprendrai-je).

12h 30

Formidable ! En une heure, ne subsistent plus que quelques voitures, quatre ou cinq pour chaque rue. Mais tous les vélos et nombre de motos sont encore là. La police revient, convoque l’Enlèvement.  Des agents contractuels entourent les différents types de véhicules, notant pour chacun d’entre eux leur état, afin d’éviter toute plainte pour dégradation des propriétaires à la retrouvaille de leur engin.
Les cônes sont posés aux extrémités des rues : la circulation est désormais interdite. Un membre de l’équipe d’organisation reste de faction pour dissuader les conducteurs de forcer le passage ou autoriser celui-ci à tous ceux qui ont des raisons valables de le franchir : taxi pour dépose ou embarquement d’un passager, livraison de colis, bref rendez-vous professionnel.

13 heures

Le camion à grue de la fourrière commence le déplacement des voitures étiquetées ‘’enlèvement demandé’’. Il s’en va les déposer à proximité en notant l’endroit exact où ils les entreposent. Certaines voitures s‘avèrent ne pas pouvoir être déplacées avec ce type de matériel en raison de la fragilité de leur bas de caisse. Il va falloir demander un véhicule de technologie différente, n’enlevant pas la voiture dans les airs pour la déposer sur le plateau du camion, mais se contentant de soulever la voiture par l’avant et la tracter en la faisant rouler sur son arrière train. Voilà un job pas si simple que ça à effectuer. Chaque enlèvement prend presque une demi-heure, le temps d’enlever le véhicule, le déplacer, le déposer et revenir. Le tout pourrait prendre trois bonnes heures. Heureusement, comme par miracle, les voitures restantes diminuent brutalement en nombre, leurs conducteurs apparaissant subitement pour les emporter ! La seule vue du camion suffit à faire évaporer les voitures.  Amusant phénomène...

 13h 30

Un camion du service de propreté de la Voie Publique  entreprend de nettoyer la chaussée. Des employés en tenue verte recommencent à passer au jet les trottoirs. Adieu, crottes de chien ! Les rues sont nickels.
Appel de téléphone sur mon portable : c’est le camion de la Voirie chargé de déposer les huit barrières métalliques demandées pour fermer l’accès des rues. (Une facilité obtenue grâce à la Mairie du 7e. J’avais sollicité le service de Sécurité de l’Unesco pour lui demander la permission de prélever une dizaine de barrières sur la trentaine installée avenue de Ségur depuis plus de quinze jours sans qu’elles semblent avoir d’utilité réelle. Naturellement, la réponse fut un refus, un refus poli, mais un refus.) Je le rejoins pour leur expliquer où poser les barrières. Comme le nombre s’avère insuffisant pour la largeur des rues, il repart spontanément en chercher deux supplémentaires. J’apprécie.
Mauvaise surprise : profitant ( ?) de la distraction des organisateurs, moins nombreux à cette heure –ci, et de l’effervescence que provoquent les enlèvements de voiture, assez spectaculaires à regarder, une superbe BMW à plaque minéralogique CD est retrouvée garée à l’angle des rues Lapparent-Heredia, entre les deux passages pour piétons au pied de l’ex-boulangerie, alors que l’emplacement était vide depuis une heure ! Le pire endroit possible, le plus gênant pour la soirée car le plus visible. Tous  imaginent que c’est l’affaire de quelques minutes et que le conducteur va réapparaître. Moi, je constate qu’aucun ruban rouge/blanc n’orne sa portière et suis pessimiste. Comme c’est une plaque CD, la police s’efforce de retrouver le propriétaire pour l’avertir.
Je monte chez moi me sustenter rapidement puis passe au Bon Conseil vérifier que les conteneurs roulants chargés de tables et de chaises, que l’Asiem a accepté de prêter, sont bien prêts à être emportés. Ils nous attendent. Nous les prendrons vers 18 h.

15 heures

La société prestataire en charge des enlèvements a été efficace. La Mini Cooper rouge de la rue Heredia a finalement été tractée hors du périmètre. Rue Vaudoyer a été emportée une voiture abandonnée depuis plusieurs semaines. Son pare-brise était plein de contraventions, les portes n’étaient pas verrouillées et la clé de démarrage sur le contact !  Le conducteur de la BMW de la rue Heredia, lui,  ne revient pas et le responsable policier hésite sur la conduite à tenir, ne voulant pas créer un incident diplomatique…



16 heures

Les trois rues sont vides de toute voiture, à l’exception d’une avec carte d’handicapé, rue de Lapparent,  devant la pharmacie, dont nous savons qu’elle s’en ira à 17 h… et de la fameuse BMW à plaque CD qu’après beaucoup de réflexion, le responsable de la police a choisi de laisser là, tout en lui infligeant une contravention. Elle nous gène bien cette voiture – surtout pour prendre des photos - et bien décidés à le faire savoir à son conducteur, nous l’enrubannons avec du Sopalin formant un  gros nœud à deux boucles sur le toit. Ainsi habillée, la belle voiture prend un peu de ridicule. Beaucoup de passants et de fêtards croiront qu’il s’agit du gros lot d’une probable loterie ! Entre nous, nous  décernons à ce ''CD'' le grand prix du Cornichon Diplômé ! [Fonctionnaire de l’Unesco, il ne reviendra qu’à minuit et quart, la fête étant terminée depuis longtemps. Il n’aura pas la surprise de découvrir sa voiture enturbannée, des enfants ayant arraché la décoration durant la soirée. Il plaidera auprès des organisateurs encore présents qu’il n’avait rien remarqué de spécial dans la rue au moment de se garer… Mon œil, oui !]

Patrick, directeur adjoint du BC, vient me demander où il convient d’installer les haut-parleurs de la sono. Je suggère : au balcon du 1er étage, aux deux extrémités du bâtiment puisque c'est dans cette rue que tous seront invités à se regrouper. Une demi-heure plus tard, François qui a procédé à l’installation, m’apporte le micro baladeur pour faire un essai. Il s’avère excellent. A quand un concert dans cette rue Lapparent à l’acoustique parfaite ?




Il est temps de souffler. Certains des organisateurs sont partis se reposer, d’autres déambulent pour le plaisir, ou prennent des photos des rues débarrassées de leurs voitures. L’intensité de la lumière prodiguée par le soleil les rendait difficiles en milieu de journée, les façades réfléchissant la lumière. Les prises de vue sont un peu gâchées par la présence des poubelles qui attendent d’être ramassées. Il est convenu avec la Voirie du 7e que la tournée aura lieu à 17 h 30 très précises. Moi-même je prends le temps de faire quelques photos, pense à photographier l’immeuble du  9 rue Léon Vaudoyer que mon père, né en 1910, habita de 1911 à 1914, mais j’oublie de photographier celui où j’habite !




 Toutes les photos sur les préparatifs par les organisateurs sur le lien suivant :
https://picasaweb.google.com/104466774420938003478/PreparatifsCentenaireLVH?authuser=0&authkey=Gv1sRgCLWgpOWF3cKc1gE&feat=directlink

16 h 30
Je retrouve l’équipe en train de discuter  au coin restauration avec une dame – genre matrone ne mâchant pas ses mots - qui leur réclame la venue du responsable de tout ce tintouin. « – C’est moi, Madame ! – Ah, c’est vous, hé bien je ne vous félicite pas, Monsieur ! ». Son regard me fusille. Elle m’explique d’un ton raide qu’elle est choquée qu’une minorité se soit arrogée le droit de chambouler la vie d’un quartier. « – Avez-vous essayé de consulter au préalable les gens en procédant à un petit référendum sur votre idée ? » Je lui réponds que je conçois que  ce chamboulement puisse déplaire à certains, que, non, je n’ai pas fait de référendum parce que cela aurait été bien difficile et coûteux pour un résultat probablement du type 49%-51 % ou réciproquement, ce qui n’aurait pas donné davantage de légitimité pour entreprendre le projet ou y renoncer. « –  Ayant sollicité quelques amis, tous partants pour l’aventure, puis les autorités élues et administratives toutes d’accord pour l’autoriser, je me suis senti suffisamment soutenu pour oser l’opération, tout en sachant pertinemment que ces interdictions de stationnement peuvent gêner, et je vous prie de m’excuser si c’est votre cas. – Pas du tout, j’ai un parking. Mais je parle au nom des autres, monsieur ! » Elle continue en me dévisageant d’un œil acéré. « –  Et peut-on savoir ce que vous faites dans la vie, monsieur ? – Et puis-je savoir en quoi mon curriculum vitae vous  importe, madame ? » Elle explique que cela lui permettrait de comprendre quel type de personne prend l’initiative d’organiser une fête de rue : « – Vous êtes dans le syndicalisme, j’imagine ? » Là, je me dis : ça, c’est la faute à ma moustache ! La moustache que je me suis fait pousser pour faire Belle époque, elle me classe à gauche, elle fait prolo ! Et organiser une fête de rue, c’est un comportement de gauche. Je réplique : « – Hé bien, madame, j’étais cadre supérieur dans une très grosse entreprise !» Silence. « - Ah bon ? Hé bien monsieur, au lieu d’augmenter les problèmes de stationnement, j’aurais préféré que vous utilisiez votre énergie à vous attaquer à ceux que cette société de location de voiture, Sixt, crée dans le quartier ! – Vous tombez mal, madame, car c’est le cas. Je fais partie de cette association, Rendez nous nos places, qu’anime un courageux garçon, j’étais à la réunion qu’il a organisée en juin dernier au Bon conseil, et vous-même, connaissez-vous cette association, étiez-vous à cette réunion ? » Non, bien sûr. Je ne me souviens plus bien de la suite, la conversation a tourné court. Je n’en veux point à cette dame qui posait une question d’importance : au nom de quoi agissons-nous ? A la réflexion, j’ai suivi mon ego sans bien me préoccuper de celui d’autrui. Si personne n’éprouve de plaisir ce soir, j’aurais perturbé le monde pour ma seule satisfaction...

Les rues sont désormais vides de toute voiture. Sauf celle en paquet-cadeau !
Panoramique  180 ° rue de Heredia partie nord/rue de Lapparent/rue de Heredia partie sud
Je remonte chez moi installer à ma fenêtre un baffle pour diffuser de la musique 1900. C’est Annie qui s’est chargée de nous trouver des airs populaires en vogue à l’époque, afin de créer une ambiance sonore dans la rue à partir de 19 h 00, et attirer le chaland. Un autre point musical est prévu au 3 rue de Lapparent. Avec les équipiers en contrebas, nous adoptons le juste niveau sonore.

17 h 30

Les vélos cadenassés devant le Bon Conseil se sont tous évanouis dans la nature : ils appartenaient bien aux étudiants suivant des cours ou passant des examens dans les locaux que loue l’Asiem. En revanche, le service Enlèvement a négligé de déménager quatre à cinq motos. Tant mieux pour les propriétaires, tant pis pour nous : cet endroit-ci ne fera pas Belle Epoque !
Les camion-bennes  passent vider les poubelles et disparaissent avec leur contenu. La plupart des gardiens les rentrent vite dans les immeubles, mais certaines poubelles subsistent sur le trottoir, taches de modernité bien visibles pour les photographes qui auraient voulu retrouver les rues dans leur état d’origine. Je rentre moi même quelques unes d’entre elles dans certains immeubles de la rue Heredia.
Je bats le rappel de quelques hommes pour aller chercher les tables rue de Lapparent. Grâce aux conteneurs à roulettes, cela se fait en cinq minutes. Pour ma part, en faisant franchir le bord du trottoir au roll de chaises, je trouve moyen d’en verser à terre une bonne moitié. Chance, elles tiennent le choc. En moins d’une demi-heure, après quelques hésitations et voltes-faces, tout le mobilier est installé en épi le long du trottoir impair de la rue Lapparent. Reste à napper les tables de papier blanc, ce qui ne se fait pas d’un coup de baguette magique, mais prend une nouvelle demi-heure.
Je remonte chez moi chercher ma table de cuisine que j’installe entre les tables au milieu de la rue Lapparent. Je la réserve à Michel Durand, un collectionneur de cartes postales anciennes et spécialiste de l’histoire du quartier de Breteuil, auteur de nombreux recueils de photos sur le 7e dont j’ai fait la connaissance dix jours plus tôt et à qui j’ai proposé de vendre et dédicacer ses œuvres lors de notre fête.

Toutes les photos des rues vides de voiture sur ce lien :
https://picasaweb.google.com/104466774420938003478/RuesVidesCentenaireLVH?authuser=0&authkey=Gv1sRgCK366MOOn52HNw&feat=directlink

18 heures

Tout est prêt, je remonte chez moi souffler un coup. Je m’étends un quart d’heure sur mon lit, histoire de me… détendre ! Puis je m’habille pour la fête : une chemise à col cassé d’époque et un nœud papillon. Dans la pénombre, mon costume noir sera confondu avec une redingote. Françoise est craquante dans sa tenue de nounou toute blanche.



19 h 15

Après avoir mis en marche mon lecteur de CD diffusant des chansons 1900, je descends dans la rue en col cassé avec, dans la poche, outre un briquet, un bouchon en liège noirci à la flamme pour dessiner des moustaches sous le nez des participants masculins à la soirée. Dans l’autre poche, le micro baladeur.

Quelques organisateurs sont déjà dans la rue Lapparent, ils ont joué le jeu de se costumer Belle Epoque, en partie ou totalement. Je lance un premier appel au micro pour inviter les habitants à descendre.
Des habitants sont là en curieux semble-t-il, intrigués, s’interrogeant - tout comme moi ! - sur le degré de participation que va avoir la soirée, mais au fur et mesure des minutes qui s’écoulent, les participants réels apparaissent, avec paniers et sacs. En priorité les relations des organisateurs.
Mais le mouvement est encore timide. C’est normal, il faut attendre que ceux qui travaillent aient regagné leur domicile, s’habillent pour la circonstance, préparent les victuailles. Et puis, c’est comme entrer dans un restaurant : on préfère y entrer quand il est demi-plein que vide, on passe inaperçu. Et s’il a des clients, c’est qu’il doit être bon ! Quelques tables se garnissent de tartes, bouteilles, apéritifs.


Le ciel est bleu nuit, la pénombre s’empare lentement de la rue.

19 h 45

Je renouvelle au micro mon appel aux habitants à nous rejoindre fêter le centenaire de leur rue. Et coïncidence  extraordinaire, au moment même où je dis « la rue s’obscurcit et pour commencer réellement, nous n’attendons plus que les réverbères de la ville veuillent bien s’allumer », clac, les réverbères clignotent, s’entourent d’un halo jaunâtre qui s’élargit, s’élargit et diffuse cette lumière colorée, fantomatique, artificielle, qui ne contribuera pas peu à donner à la soirée cette atmosphère de rêve éveillé ressenti par certains.


Panoramique  180° de la rue de Lapparent, pris du milieu de la rue, depuis le trottoir impair

Panoramique 180° de la rue de Heredia, pris au carrefour de la rue Lapparent
20 heures


Les fêtards affluent, se saluent, s’offrent à boire, certains s’attablent,  la plupart doivent rester debout, car les chaises manquent, mais peu importe. Combien sont-ils ? Difficile à estimer, 450 peut-être. La plupart des gens ont fait l’effort de jouer le jeu consistant à évoquer par leur tenue La Belle Epoque, les femmes surtout, mais les hommes aussi. Souvent, s’ils sont  glabres, je leur dessine une moustache au bouchon et, bons enfants, ils se laissent faire ! Les tenues sont très diverses, et vont du seul canotier au total look. Les femmes qui ont joué le jeu à fond ne manquent pas d’allure.



Toutes les photos des fêtards sont visibles en cliquant sur le lien ci dessous :
https://picasaweb.google.com/104466774420938003478/LesFetardsCentenaireLVH?authuser=0&authkey=Gv1sRgCLe716CV986B0AE&feat=directlink

Je renonce à faire le petit discours d’accueil que j’avais prévu, car j’ai été averti que la sono fonctionne si bien que ma voix s’entend jusque dans les sous-sols du Bon Conseil troublant sérieusement les assemblées réunies là.


Rue de Heredia,  trois jeunes du Bon Conseil font jouer sur l’aire réservée à cet effet des enfants qui semblent ravis. Je m’attarde à les regarder. Quel souvenir pour eux !




21 heures

 Je parle avec des tas d’inconnus qui se déclarent enchantés de la soirée, ce qui me réconforte. Ils sont si nombreux que ma mémoire s’embrouille.





Me reviennent quelques flashs :  d'abord l’installation de Michel Durand à sa table de dédicace, qui sera l’occasion d’une courte intervention au micro, mezzo voce, pour appeler les gens à se rendre à son stand.








Puis l’arrivée de la Maire, Mme Dati, venue saluer ses administrés - et électeurs !-, dont certains sont tout heureux de se faire photographier à ses côtés ou de lui faire part des problèmes de stationnement dus à la société Sixt.

Toutes les photos  avec Mme la Maire (© Alain Guizard) sont consultables sur le lien ci-après :
https://picasaweb.google.com/104466774420938003478/AvecMmeLaMaireCentenaireLVH?authuser=0&authkey=Gv1sRgCLvazoP2ieTyoAE&feat=directlink

 
  
Et, last but not the least, cette délicieuse promenade vers 10 heures du soir dans la rue Léon Vaudoyer, déserte hormis quelques enfants qui jouent silencieusement, au bras d’Annie portant son ombrelle blanche, goûtant tous deux la splendeur du travail des architectes de nos rues.





 22 heures 30

Dernier appel au micro (de ma voix la plus douce qui soit !) pour inviter la foule à clore la soirée et à aider à ranger tables et chaises sur les rolls que l’Asiem a rapportés. Tout est déménagé en 10 minutes. La rue se vide comme par magie. La fête finie, seuls quelques fêtards continuent à bavarder devant l’ex-boulangerie.
Pour ma part, j'espère qu'une bonne nuit m'attend, mais j'en doute car le plaisir a été grand, et je sais que je vais revisionner toute la nuit dans ma tête les images de la journée  !
 









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